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LES HABSBOURG

Quel destin étonnant que celui de cette famille originaire de la Suisse alémanique, qui entre en scène dans l’histoire au XIIIe siècle et faillit former avec Charles Quint une monarchie universelle.

Cette dynastie sut bâtir deux empires, l’un espagnol, l’autre autrichien en tolérant les particularismes locaux.

LES HABSBOURG Par Béatrice Vaida, conférencière

Originaire de la Suisse Alémanique, descendant du duc Etichon, habitant le château d’Habichburg cette petite famille ducale prit de l’importance sous le règne de Rodolphe en 1278. Ce dernier est élu Empereur du Saint Empire Romain Germanique, titre accordé à Rodolphe pour contrer la puissance d’un souverain redouté, le roi de Bohême, Ottokar II. Rodolphe Ier qui n’avait pas de territoire s’empare alors des régions autrichiennes, duché d’Autriche, de Styrie, de Carinthie, de Carniole et Frioul, dites les possessions héréditaires des Habsbourg (auxquels s’ajouteront le Tyrol, Fribourg, le Vorarlberg et la ville de Trieste au XIVe siècle). Ainsi Rodolphe Ier fut le créateur de la maison d’Autriche et le véritable fondateur de la dynastie.

Ascension trop rapide au gré des autres souverains, les Habsbourg connurent une éclipse politique jusqu’au XVe siècle, période au cours de laquelle ils s’enracinèrent profondément dans la terre d’Autriche, en attendant des destins plus brillants.

Au XVe siècle, le destin des Habsbourg va à nouveau basculer. En 1438, un Habsbourg est élu à la tête du Saint Empire. Ce n’est pas une nouveauté, mais à partir de cette année et jusqu’en 1806, (sauf pendant une courte période au XVIIIe siècle pendant la guerre de succession) et bien que le titre soit électif, ce sont des Habsbourg qui porteront le titre d’Empereur du Saint Empire.

En 1440, Frédéric III débute son règne. Sa vie politique est désastreuse, mais il osera la célèbre devise qui reste désormais attachée à la famille, AEIOU, c’est-à-dire Austria Est Imperare Orbi Universo (il revient à l’Autriche de régner sur l’Univers). Quel orgueil pour cet homme qui est chassé de sa capitale par le roi de Hongrie, Mathias Corvin. Et aussi quelle ambition pour sa famille dont il va changer le destin par un mariage.

En 1477 il marie son fils Maximilien à Marie de Bourgogne. Les PaysBas, le Luxembourg, la Franche-Comté deviennent Habsbourg. Cette politique de mariage fera dire à ce même Mathias, « que d’autres fassent la guerre, toi heureuse Autriche tu te maries ». Le fils de Marie et de Maximilien, Philippe le Beau, épouse Jeanne, héritière des rois d’Espagne, l’Espagne devient Habsbourg.

Leurs fils, Charles et Ferdinand, laisseront leurs marques sur ces régions. Ainsi Charles célèbre sous le titre de Charles Quint, peut se vanter de régner sur « ce territoire sur lequel le soleil ne se couche pas », c’est-à-dire les possessions héréditaires d’Autriche: les Pays-Bas, la Franche-Comté, l’Espagne, des régions d’Italie du nord et du sud. Ce fastueux souverain qui n’a pas de capitale fixe voudrait maintenir une unité chrétienne et politique sur l’ensemble de ses terres. Déçu, amer, il va, par un acte exceptionnel pour un souverain, abdiquer et il se retire au monastère espagnol de Yuste, non sans avoir partagé ses territoires en deux branches. Charles Quint va scinder son empire en deux.

La branche ainée, espagnole, régie par le fils de Charles Quint. La branche cadette, autrichienne, par le frère de Charles Quint, Ferdinand Ier, qui porte aussi le titre d’empereur du Saint Empire hérite des « possessions danubiennes », soit l’archiduché d’Autriche et par mariage le royaume de Hongrie et le royaume de Bohème.

La Hongrie royale de l’époque est cependant réduite à une maigre portion de terre, dû à l’occupation de la Hongrie centrale par les Ottomans. C’est, d’ailleurs, à partir de 1551 que Buda, devenue capitale du pachalik ottoman est remplacée par Presbourg (l’actuelle Bratislava) par les rois Habsbourg comme lieu de couronnement. Quelques souverains de la branche autrichienne vont se succéder aussi différents de caractère que par leur politique : Rodolphe II, l’archiduc fou d’alchimie qui règne à Prague. Ferdinand II, sous le règne duquel se déclenche la guerre de Trente ans qui dévaste les régions danubiennes. Léopold Ier et sa passion de la musique baroque.

A force de mariages consanguins, la branche espagnole s’éteint suivie de la montée sur le trône d’Espagne du petit-fils de Louis XIV (Phil trône en 1740, porte ainsi les titres d’archiduchesse d’Autriche, de reine de Hongrie et de Bohême et d’épouse de l’empereur, FrançoisEtienne de Lorraine. Les souverains de l’Europe convoitent les riches territoires d’une souveraine qu’ils pensent inexpérimentée. Fréderic de Prusse se jette sur la Silésie, province du royaume de Bohême et Charles-Albert de Bavière occupe avec ses armées la ville de Prague. La capitale de Bohême sera reprise et réintégrée au royaume, mais la Silésie est perdue à jamais pour l’Autriche. Malgré ses pertes territoriales, Marie-Thérèse aura un règne brillant. Son fils, Joseph II la seconde à la mort de son époux. lls germaniseront les institutions politiques de la Bohême et de la Hongrie. Le pouvoir des jésuites laisse la place à celui des Jansénistes, préférés par la souveraine. L’armée est réorganisée, le nombre de fonctionnaires augmente considérablement, l’instruction est développée. Marie-Thérèse marie sa nombreuse progéniture aux princes et souverains de l’Europe gagnant ainsi le surnom de belle-mère de l’Europe.

A la mort de la souveraine en 1780, Joseph II impatient de régner, montre son attirance pour les idées des Lumières françaises. Il tente de transformer le gouvernement en despotisme éclairé. Une de ses formules préférées et lapidaire était « tout pour le peuple, rien par le peuple ». Il refusera la cérémonie de couronnement en tant que roi de Hongrie et se fera ainsi surnommé dans ce royaume « le roi au chapeau ». La grande loi édictée au cours de son règne est l’Édit de tolérance de 1781, qui autorise sur ses territoires d’autres pratiques religieuses que le culte catholique. Mais son règne est parsemé d’échecs et d’amertume. À sa mort, son frère, Léopold II, renie toutes ses innovations. Le fils de ce dernier vivra un des grands événements de cette monarchie. Napoléon occupe deux fois la ville de Vienne en 1805 et 1809. Le visage de l’Europe transformé par les défaites autrichiennes (Austerlitz, le 2 décembre 1805) et le couronnement de Napoléon, empereur des Français, oblige François II à envisager différemment l’empire. Ce titre de Saint Empire lui paraît désormais vide de son sens. Il décrète donc en 1806 la fin de ce Saint Empire et il se déclare sous le titre de François Ier, Empereur d Autriche, titre héréditaire à la famille Habsbourg. La deuxième préoccupation de François 1er est sa succession.

Il laisse un gouvernement fort pour seconder son fils épileptique Ferdinand, surnommé le Débonnaire. Cet homme faible et malade est confronté au plus grand mouvement du XIXe siècle en Europe centrale, l’éveil des nationalités. 1848 est l’année de toutes les révolutions, révolution sociale à Vienne, et révolution identitaire à Prague et à Budapest. Ferdinand, inapte pour gérer cette crise, abdique et laisse le trône à son jeune neveu de 18 ans, François Joseph. Il entame le plus long règne de la dynastie des Habsbourg (68 ans) en matant les révolutions et il impose un régime néo-absolutiste dans ces régions. Ce règne est marqué de grands bouleversements, les Habsbourg perdent les provinces de l’Italie du nord, l’armée autrichienne est défaite par la Prusse à Sadowa en 1866. L’Autriche cherche un soutien auprès du royaume de la Hongrie. C’est la signature du compromis austro-hongrois de 1867 qui donne à la Hongrie une constitution indépendante. L’identité nationale devient très consciente dans les provinces de l’Autriche-Hongrie et l’empereur s’adresse à « ses peuples ». L’apport de deux millions de Slaves du sud avec l’annexion de la Bosnie-Herzégovine par l’Autriche déséquilibrera le fragile édifice de ces nationalités. L’assassinat de l’héritier au trône FrançoisFerdinand d’Este à Sarajevo le 28 juin 1914 par Gavrilo Princip déclenche le terrible conflit mondial qui dévaste l’Europe pendant quatre ans. L’ultimatum inacceptable que François-Joseph envoie aux Serbes et sa déclaration de guerre sera le dernier acte tragique de ce souverain. Il meurt en 1916, en plein conflit, d’une pneumonie et laisse la lourde responsabilité du gouvernement à son petit-neveu, Charles Ier.

Celui-ci fera tout pour engager des tentatives de paix séparées avec la France. Le 12 novembre 1918, c’est la renonciation de Charles Ier, la dissolution de l’empire Habsbourg et suite au traité de SaintGermain-en-Laye en 1919 et au traité de Trianon en 1920, la naissance de la République d’Autriche, de la République de Hongrie, du Royaume tri-unitaire Serbe-Croate-Slovène, la République Tchécoslovaque et d’une Roumanie agrandie de la Transylvanie. Les Habsbourg voient leurs biens confisqués et partent pour un long exil, qui se terminera tragiquement pour Charles Ier par sa mort à Madère.

Ainsi s’achève l’histoire du règne de la dynastie Habsbourg dont un des derniers représentants Otto de Habsbourg a montré son intérêt pour le destin de l’Europe, comme député de Bavière au Parlement européen et organisateur d’événements essentiels comme le pique-nique paneuropéen du 19 août 1989. A chaque pas que l’on fait à Vienne, on est confronté aux souvenirs des Habsbourg à travers l’architecture, les objets d’art mais aussi dans tous les musées nationaux qui abritent les plus merveilleuses collections de peintures et de sculptures commanditées ou collectionnées par les Habsbourg. Ayant laissé moins d’œuvres à Budapest, ils restent, cependant, présents dans l’esprit des Hongrois grâce au souvenir intemporel de Sissi.


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